En vingt ans le prix des «perles noires», comme on appelle le caviar, a été multiplié par dix en Russie. Si en 2001, un kilo de caviar coûtait 14 000 roubles (soit 350 euros), aujourd’hui, son prix s’élève à 100 000 roubles (soit 2500 euros). En Europe de l’Ouest, les prix sont encore plus élevés: le coût d’un kilo de caviar peut atteindre jusqu’à 7 000 euros! Malgré ces prix astronomiques, la demande ne fait que grandir, et avec elle grandit le braconnage.

On distingue trois types de caviar noir: le caviar de bélouga, le caviar d’esturgeon et le caviar d’esturgeon étoilé. Le caviar de bélouga est considéré comme le plus précieux. La source principale de caviar noir est la mer Caspienne, où habite 90% de la population mondiale d’esturgeon. Étant donné l’importance de la demande en caviar noir, dans les 15 dernières années la quantité d’esturgeon dans la mer Caspienne a diminué de 38,5 fois, et sa diminution a provoqué en retour une hausse des prix du caviar sur le marché russe, et par répercussion sur le marché mondial. En 2007, une loi «Sur la pêche et la préservation des ressources biologiques aquatiques» est entrée en vigueur en Russie. Cette loi interdit la pêche du bélouga et de l’esturgeon; dorénavant, seuls les centres de recherche en ont l’autorisation. Cependant, ces restrictions sur la pêche à l’esturgeon n’existent pas dans tous les états caspiens (Russie, Azerbaïdjan, Iran, Kazakhstan, Turkménistan). Aujourd’hui, plus de 80% du marché mondial de caviar noir vient donc d’Iran, où existe un monopole d’Etat sur la pêche au caviar, qui n’est limitée que par le quota annuel fixé par l’ONU (400 tonnes de caviar noir commercialisées par an). Néanmoins, en décembre 2011, lors de la réunion de la Commission des ressources biologiques de la mer Caspienne, il était question de décréter un moratoire sur la pêche à l’esturgeon pendant 5 à 10 ans, et l’Iran a soutenu cette initiative.

Les premières fermes d’élevage d’esturgeon ont vu le jour en Russie dans les années 90. La loi de 2007 qui interdisait la pêche à l’esturgeon a fait de ces fermes la seule source légale de caviar noir. Une ferme d’élevage est une aventure longue et chère; elle exige des millions d’euros d’investissement, et il faut attendre 8 à 10 ans pour qu’une femelle d’esturgeon commence à frayer. Le chef de la compagnie «Maison du caviar russe», Alexandre Novikov, compare l’élevage du caviar à la plantation de la vigne: «Pour obtenir une boisson de grande qualité, il faut cultiver correctement la vigne, et chaque détail a son importance: l’orientation sud ou nord d’une colline, le type de sol, le temps, etc. Nous faisons un peu la même chose, en «cultivant» notre caviar. Le critère primordial est la qualité de l’eau. Mais il faut en outre sélectionner la nourriture, assurer une température optimale, etc. Tout ceci est un travail méticuleux». D’ailleurs, on ne tue pas l’esturgeon à la ferme d’élevage, mais on le trait, en exprimant le caviar puis en remettant le poisson à l’eau. À présent, on compte plus de 50 fermes d’élevage en Russie, dont les plus importantes sont «Diana» (région de Vologda) avec une production annuelle de 7,5 tonnes de caviar noir, «Bélouga» (Astrakhan, 2 tonnes par an), «Raskat» (Astrakhan, 1,2 tonnes par an), l’usine Karmanovski (Bachkirie, 900 tonnes par an), l’usine de Kalouga (région de Kalouga, 200 kg par an), etc. Notons que le bélouga ne commence à frayer que 18 ans après sa naissance: de ce fait, il n’existe pas encore de ferme en Russie produisant du caviar de bélouga, ce qui veut dire que tout caviar de bélouga qu’on trouvera sur le marché russe est illégal!

La loi de 2007 a provoqué non seulement une hausse des prix, mais également l’augmentation du braconnage. Selon Alexandre Novikov, 90% du caviar sur le marché russe est du caviar braconné, tandis que d’après inFolio Research Group, en 2010, la Russie a officiellement produit 19 tonnes de caviar, mais réellement produit 225 tonnes. Comment distinguer le caviar d’élevage du caviar braconné? Le caviar de meilleure qualité est le caviar grenu, assez grand et clair. On l’obtient du poisson qui a rejoint son ère de frai. Les braconniers au contraire ont surtout accès à un caviar jeune, noir et très petit. Le caviar doit être frais: le caviar faisandé est trahi par son aspect extérieur. En vendant du caviar défraîchi ou extrait d’un poisson mort, les braconniers y ajoutent souvent de l’huile qui camoufle bien les perles «froncées». Ce même caviar peut également être très salé, car le sel lui aussi cache les défauts du caviar avarié. Enfin, on trouve souvent sur le comptoir des boîtes de caviar noir «falsifié»: en effet, on y met à la place du caviar d’esturgeon, du caviar de brochet ou encore du caviar de tout autre poisson, et teint en noir. Ajoutons qu’il est facile de se procurer une recette de fabrication de caviar dit «maison», qu’on met ensuite en vente.

En achetant du caviar donc, soyez prudents: n’achetez pas de caviar aux petits «commerçants» qui vous sollicitent dans la rue ou dans des magasins douteux. Allez plutôt dans un grand magasin ou dans une boutique spécialisée, vérifiez le nom du producteur et la date de péremption et regardez attentivement le caviar à travers le verre de la boîte. Bien sûr, ce caviar vous coûtera plus cher, mais au moins ce sera du vrai caviar!

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